Covid-19 : 2ème vague… ou pas ?

Je vois de plus en plus de gens se poser la question : court-on le risque d’une deuxième vague de Covid-19 après le relâchement du confinement ?

(pour ceux qui pensent que la première vague est un vaste hoax, si vous n’avez pas peur d’être confrontés à des idées différentes des vôtres, vous pouvez lire mon article sur le sujet puis faites un tour sur le site euromomo.eu)

Les experts

Les excellents résultats de l’Allemagne sont principalement dus à un certain Christian Drosten, virologue de renom, qui a entre-autres développé le test pour dépister le premier SRAS il y a près de 20 ans.

Dès janvier 2020, il a développé les premiers tests pour SARS-CoV-2, ce qui a permis aux structures médicales en Allemagne de tester massivement dès l’arrivée du Covid-19 (pour savoir pourquoi j’ai gardé le masculin, c’est ici), et ainsi d’éviter le pire dans son pays.

En France, nous avons aussi notre héros marseillais, Didier Raoult.

Grâce à son Institut, il a testé au début de l’épidémie plus de gens que la France toute entière. Par ailleurs, il a développé un protocole de traitement à partir d’hydroxychloroquine et d’azithromycine. Grâce à ces deux médicaments combinés, son institut a des résultats à faire pâlir l’ensemble des autres hôpitaux français. D‘autres se sont d’ailleurs saisis de sa méthode un peu partout dans le monde (pas seulement en France, aux États-Unis et même en Algérie), parfois en y ajoutant du zinc, parfois en utilisant l’azithromycine seule, avec d’excellents résultats.

Ces deux « sommités », comme on aime les appeler, ont au moins un trait en commun : le pragmatisme. Et dans ce cadre, ils ne jurent tous deux que par un passage obligé : les tests. C’est d’ailleurs ce qu’ont fait tous les pays qui « s’en sortent bien » : Corée du Sud, Taïwan, la Chine après Wuhan, etc.

En revanche, ils sont totalement opposés sur d’autres terrains, en particulier par leur attitude face à la vie. Le premier, germanique de nature plutôt réservée, toujours dans le doute ; le second, méditerranéen exubérant, de nature très optimiste et plein de certitudes affichées.

Leur avis

Or, voilà, l’Allemand prévient depuis quelques temps déjà qu’une seconde vague pourrait être encore plus meurtrière que la première.

En revanche, le Français affirme qu’il n’y a jamais de seconde vague dans les infections respiratoires. Il nous donne l’exemple du SRAS qui n’a pas vraiment refait surface. Il insiste également en disant que ce sont généralement des phénomènes saisonniers et que tout cela passera avec le printemps et l’été, pour ne plus jamais revenir.

Alors, qui croire ?

Une question de bon sens

Comme toujours, je n’ai aucune paroisse. J’écoute tous les avis. Et je me forge le mien.

Si les sons de cloche venant de gens qui ont fait leurs preuves sont tous concordants, il est fréquent que je me range derrière leur avis… à moins que leurs conclusions soient totalement contraires à ce que me souffle le bon sens.

Lorsque c’est le cas, je me pose des questions et essaie de comprendre pourquoi mon bon sens est à contre-courant. Souvent, je réalise alors que mon bon sens était biaisé par des connaissances fausses, une erreur de logique, un oubli de certains paramètres importants, etc. C’est un exercice très intéressant qui permet de déceler nos erreurs. Je continue de douter fortement tant que je n’ai pas mis mon bon sens en défaut. Parfois, ce sont les experts eux-mêmes qui négligent certaines informations – qu’ils n’ont d’ailleurs pas toujours si elles sont dans des domaines connexes mais pas directement liées à leur domaine de pointe. Je trouve que c’est une démarche saine que nous devrions tous pratiquer.

Qui croire ?

Car lorsque les « experts » tout aussi crédibles ont des positions opposées, il ne me reste plus que mon bon sens. Qui vaut ce qu’il vaut…

En l’occurrence, on a là deux experts qui sont difficiles à départager. Quand à expertscape, je me méfie d’un classement « au nombre de publications ». J’ai été dans le monde de la recherche et je sais que quantité rime rarement avec qualité. Surtout que le Pr. Raoult est simplement co-signataire de nombreux papiers qu’il n’a évidemment pas écrits lui-même.

Pour commencer, ils peuvent très bien avoir tous les deux raison. Il ne s’agit là que de probabilités, et personne n’est aujourd’hui en mesure de prédire ce que l’avenir nous réserve, nous en connaissons encore trop peu sur cette maladie. Alors, on ne peut exclure que l’un ou l’autre des deux scénarios arrive : pas de vague ou grosse vague.

Mon bon sens

 

Je vous fais part de mon bon sens, qui vaut ce qu’il vaut. En Allemagne comme en France, nous sommes partis en début d’année avec 0 cas. Puis 1. Puis 2. Puis 10. On connaît la suite.

Que s’est-il passé ailleurs ?

Des « rebonds » ont eu lieu en Chine, en Corée du Sud, à Singapour et dans d’autres pays. Au Japon, dont la première vague a été très bien contenue, la deuxième vague fait les mêmes ravages aujourd’hui que la première vague en Italie.

Ces deuxièmes vagues sont d’ailleurs très souvent principalement « importées » par des voyageurs rentrant de pays contaminés. Or, il semblerait que nous rouvrions les frontières (en tout cas pour les autres pays européens).

Malgré ce qu’affirme le Pr. Raoult, des deuxièmes vagues arrivent bel et bien. C’est également le cas avec Ebola, qui fait des résurgences régulièrement.

L’immunité de groupe

Or, il semblerait que, début mai, seule une petite portion (peut-être 5 à 10 %) de la population ait « chopé » le SARS-CoV-2. Là-dessus tout le monde semble être d’accord. C’est largement insuffisant pour créer une « immunité de groupe », tous les spécialistes sont d’accord là-dessus.

En terme d’immunité, on se retrouvera donc exactement comme début mars avec très peu de cas. Mais, comme je l’ai rappelé plus haut, nous sommes partis avec 0 cas pour en arriver en quelques semaines à des centaines de milliers. Dans la mesure où très peu de gens ont développé une immunité, pourquoi une deuxième vague serait-elle différente de la première ?

Les impacts du climat

Début mai, l’impact du climat sur le Covid-19 n’est toujours pas clair.

Les différences entre différents pays sont extrêmement difficiles à analyser. Il y a trop de variables en jeu, comme je le rappelle dans mon article sur le Covid-19. Différences génétiques. Mutation du virus. Habitudes culturelles, alimentaires et de travail. Mesures prises à l’échelle nationale. Etc.

Il n’est toujours pas clair aujourd’hui si le virus préfère le chaud, le froid, le sec, l’humide… Pour rappel, MERS, qui est un coronavirus de même type, préfère le chaud…

On peut effectivement être tenté de miser sur le printemps pour éradiquer le Covid-19, comme pour la grippe saisonnière. Cependant, les mois de mars et avril ont été particulièrement cléments sur une grande partie de la France, on ne peut certainement pas dire que nous avons subi un hiver terrible. Peut-être l’épidémie aurait-elle été plus meurtrière si nous avions eu un véritable hiver. Difficile de le savoir.

Le chaos des épidémies

Les épidémiologistes ne cessent de répéter le mantra du fameux paramètre « R », qui régit la vitesse d’expansion d’une épidémie.

Le Pr. Raoult écarte ce paramètre, laissant entendre que les épidémiologistes ont des modèles bidon et qu’une épidémie est un phénomène chaotique. C’est vrai. Il rappelle que certains « super-contaminateurs » peuvent provoquer des contaminations en chaîne qui accélèrent la propagation de la maladie. Malgré tout, lorsqu’on regarde une population assez large dans son ensemble, des statistiques se dégagent. Pour rappel, les statistiques ne fonctionnent effectivement que sur des grands nombres. Ce n’est pas un hasard que des pays assez proches à tout point de vue comme l’Italie et l’Espagne aient des courbes de propagation assez semblables.

Je me suis amusé à faire quelques simulations, je publierai probablement un article sur le sujet plus tard. Ces simulations prennent justement très fortement en compte « l’aléatoire » . Et effectivement, en début d’épidémie, la modification d’un petit paramètre peut changer absolument tout. Encore mieux, dans certaines conditions, avec les mêmes paramètres de départ, on peut basculer de « aucune épidémie » à « population contaminée à 60 % » d’une simulation à l’autre.

La réaction de la population

Face à l’épidémie de Covid-19, il se dégage dans les populations mondiales deux camps, très distincts.

Il y a ceux qui « s’en fichent », qui pensent que rien ne va leur arriver. Ce sont principalement les populations d’Europe et d’Amérique du Nord. On peut aussi mettre les Japonais dans cette case une fois la première vague passée : tout s’est bien passé, on ne risque plus rien.

Et puis, il y a ceux qui connaissent et ont vécu les épidémies. Les Asiatiques, touchés de plein fouet par le SRAS. Les pays du Moyen-Orient, qui ont connu MERS. Les pays africains, qui ont, malheureusement, une grande habitude des épidémies.

Et on voit que, en terme de résultats, les vagues sont totalement différentes. Dans les pays où la population a conscience des gestes à faire en cas d’épidémie, la première vague a été très amoindrie (sauf à Wuhan dû à l’effet de surprise). Dans les autres pays, c’est la débandade.

Conclusion

Aurons-nous droit à une seconde vague ? Tout dépend de nous. De nos actions. Serons-nous trop confiants ? Préparons-nous alors à boire la tasse. Serons-nous non pas « apeurés » mais « lucides » ? Il ne s’agit pas de trembler ou de paniquer. Il s’agit juste d’être vigilants. D’agir comme le soldat qui, prêt à recevoir un coup potentiel, lève son bouclier pour se protéger.

Portez des masques. Si vous avez les moindres symptômes, restez chez vous. Évitez les endroits fréquentés. Tenez-vous à distance autant que possible. Ouvrez les fenêtres de vos bureaux au lieu d’utiliser la clim.

Plus facile à dire qu’à faire, je sais. C’est pourquoi…

Ma boule de cristal

Pour ceux qui veulent des prédictions, je m’y risque.

Voici ce que je vois dans ma boule de cristal :

  • les Français n’ont pas la culture du masque,
  • les Français n’aiment pas qu’on restreigne leur liberté chérie,
  • beaucoup de Français vont suivre le Pr. Raoult, se disant donc qu’il n’y a aucun risque… après tout, il a bien dit en février qu’il n’y avait aucun souci à se faire en France « parce que les maladies infectieuses sont des maladies d’écosystème »,
  • le Gouvernement a déjà tout fait pour empirer l’épidémie dès le début, et il continue,
  • le printemps est là, les gens vont beaucoup sortir, faire leurs petites emplettes « compenser » pour ce mois « perdu et enfermé »,
  • beaucoup vont se dire que le plus dur est passé.

J’espère sincèrement mal interpréter les nuages de ma boule de cristal. l’avenir nous le dira.

Il y aura une deuxième vague. Nous serons reconfinés. Il y aura même une troisième vague à l’automne. Nous serons à nouveau confinés.

Preuve MD5

Pour ceux qui liront ce blog plus tard, je vous propose un moyen de vérifier que le message principal de ma conclusion ne sera pas altéré dans le futur afin que je puisse m’y référer.

Copiez le texte du tout dernier paragraphe de la section précédente (le paragraphe de prédiction qui commence par « Il y aura une deuxième vague »). Allez sur cette page (ou utilisez l’outil de votre choix pour calculer un hash SHA-256) et copier ce paragraphe, sans rien enlever ou ajouter. Basculez sur SHA-256. Vous devriez trouver la chaîne suivante :

38026B19B2E7B87780302FEF471DD7A3FA34F3063F43F450B84645E63E6A0332

Pour vérifier que le paragraphe en question de ce post ainsi que le hash ci-dessus n’ont pas été édités depuis ce jour, vous pouvez également vérifier que ce hash figure dans une transaction de 45 Ğ1 effectuée dans la blockchain Ğ1 ce jour, à exactement 04/05/2020 22:45, au bloc #319538, dont le commentaire est exactement ce même hash. Ainsi, vous saurez que cela a été posté aujourd’hui.

Le Covid-19 va-t-il changer les statistiques de mortalité ? (France, 2000-2019)

Introduction

Ces dernières semaines, suite à la pandémie de Covid-19 qui sévit partout sur la planète, on entend de plus en plus « mais, vous vous rendez-compte, le virus a fait tant de milliers de morts ». Le problème est qu’un nombre sans contexte ne signifie rien. Comme si je vous disais que, là où j’habite, il y a mille personnes sans emploi. Sans vous dire combien il y a d’habitants au total, c’est une information qui n’apporte rien.

Un manque de vision…

Mi-février 2020, le Pr. Didier Raoult, infectiologue de renom, expliquait avec agacement que le Covid-19 n’allait pas influer sur les statistiques de mortalité en France « à moins que les choses changent beaucoup ». Il s’appuyait alors sur le fait que l’épidémie semblait être maîtrisée en Chine (en fait, le confinement de Wuhan n’a pris fin que début avril). Par ailleurs, la « grippe » n’avait fait que très peu de morts en Iran et en Corée du Sud. Il a simplement « oublié » à l’époque que :

  • la progression de l’épidémie n’en était qu’au tout début de la progression exponentielle en Iran,
  • elle n’avait été enrayée par les Chinois qu’au prix d’un confinement drastique dans un pays où la surveillance permet de faire respecter une telle mesure (avec des peines de prison en cas d’infraction).

Par ailleurs, il juge le confinement totalement inutile. Comme si effectivement rester chez soi revenait totalement au même en terme de taux contamination que d’embrasser tous les passants.

… mais aussi de l’amateurisme…

Évidemment, il ne pouvait pas non plus prévoir la gestion calamiteuse du gouvernement français lors de cette crise (pas de masques, pas de tests, frontières restées ouvertes en particulier avec l’Italie, invitations à sortir, à voter et à travailler au moment où il était déjà trop tard et que le confinement aurait déjà été nécessaire, etc.). Il prévenait par ailleurs un mois avant dans une autre vidéo que les coronavirus sont particulièrement dangereux et devraient faire l’objet d’une surveillance accrue.

À noter que je ne suis ni « pour » ni « contre » Didier Raoult. C’est une assertion qui n’a pas plus de sens que d’être « pour » ou « contre » la pluie. Didier Raoult a d’évidentes connaissances dans certains domaines. Pour autant, il n’est pas infaillible, comme tout être humain. De mon point de vue, il a fait des erreurs sérieuses tant en vision à long terme qu’en communication. Malgré tout, il fait exactement ce qu’il faut faire dans sa région contre l’avis de toute sa hiérarchie, c’est déjà vraiment exemplaire et courageux. Mais ceci n’est pas un article sur lui… continuons !

Estimer l’impact d’une cause de mortalité

Comme je le rappelle dans cet autre article, estimer l’impact d’une cause de mortalité est un exercice de funambule.

Comment comptabiliser une personne qui avait de l’asthme, des problèmes cardiaques, de la tension, et qui est morte suite à une infection respiratoire non testée. Covid-19 ? Pas Covid-19 ? Et si elle a été testée, quelle a été la condition décisive du décès ?

La réalité est que c’est l’ensemble de ces facteurs qui ont causé le décès, pas un facteur seul. Il est relativement rare que quelqu’un meure d’une seule pathologie. C’est plutôt un ensemble de facteurs conjugués qui cause la mort. À l’exception des accidents et de quelques maladies comme certains cancers. La faim est également une cause « racine » de mortalité importante dans le monde.

L’impact en Chine

On voit de plus en plus des gens s’alarmant de dizaines de milliers de morts en Chine depuis le début de l’année. Ils estiment immédiatement que ces morts sont à mettre sur le compte du Covid-19.

Or la région de Wuhan, le Hubei épicentre de l’épidémie, compte pas moins de 59 millions d’âmes. C’est comparable à la France en terme de population. Or, en France, il y a plus de 1500 décès par jour hors période épidémique. Sur 2 mois de confinement, et si on considère que la région de Wuhan a le même taux de mortalité que la France, cela donne pas moins de 75.000 morts en temps normal. Pas étonnant donc qu’il y ait des dizaines de milliers de morts à Wuhan à la sortie de plus de deux mois de confinement. Il paraît évident que tous ces morts n’ont pu être pris en charge pendant le confinement.

Le Gouvernement chinois cache peut-être des choses. Je ne fais que donner des chiffres basiques, à chacun d’en faire ce qu’il en veut. Il est extrêmement difficile de mesurer l’impact de l’épidémie sur place sans avoir des chiffres détaillés. Des ordres de grandeur seuls ne peuvent donner aucune indication.

Une manipulation facile

Le comptage est donc très délicat lors d’une épidémie. Il est vraiment facile de manipuler les données quant aux causes de mortalité. Et ce, soit à la hausse, soit à la baisse. Certains clament par exemple que le diabète cause xxxxx morts par an. Seul ? Vraiment ? Là encore, ce n’est très souvent qu’une cause qui s’additionne à d’autres.

Le seul indicateur véritablement intéressant lorsque survient une épidémie avec un fort impact est la mortalité totale dans la population. On peut alors mesurer la portée globale d’un événement, que ce soit une épidémie ou autre chose d’ailleurs, en comparant avec les années précédentes (et suivantes si on a les données).

La question est tout de même se savoir : une épidémie de grippe fait-elle effectivement une grosse différence visible dans la mortalité ?

Perspectives

Mettons maintenant tout cela en perspective. Je suis persuadé que le Covid-19 a parfaitement le potentiel de changer les statistiques de mortalité – en fait il le fait déjà début avril 2020, puisque le Directeur Général de la santé précisait le 4 avril que la mortalité habituelle était déjà supérieure de 27 % par rapport à la normale en semaine 13, toutes causes confondues. Et il annonce le 9 avril qu’en semaine 14, d’après les premières estimations qui pourront être revues à la hausse, l’excédent de mortalité atteindrait 41 %. Si c’est réellement le cas, c’est déjà énorme. Et cela malgré le confinement mis en place plus de 2 semaines plus tôt.

Des sources fiables

Le site officiel des statistiques en France publie de manière transparente et publique les fichiers des décès. Cette publication arrive généralement avec un ou deux mois de retard, mais c’est mieux que rien.

C’est une excellente source de données pour mesurer la mortalité globale dans la population française. En effet, ces données étant publiques, il est extrêmement difficile de « tricher ». J’ai vérifié moi-même la présence de personnes décédées de mon entourage dans ces fichiers et je t’invite, lecteur, à faire de même. Ce sont des fichiers texte qui sont extrêmement faciles à lire et à analyser. Un simple [Ctrl-F] dans un éditeur texte basique permet de chercher le nom de quelqu’un.

Pour une analyse un peu poussée, il suffit d’introduire ces fichiers dans une base de données. On peut ensuite faire du filtrage et du comptage. On obtient alors directement toutes sortes d’informations, et ce pour chaque jour depuis des décennies. Par exemple la mortalité en fonction de l’âge. Ou encore le nombre de décès en fonction du département (et même de la commune).

Résultats

Voici le graphique final du nombre de morts en France sur les 20 dernières années :

Chaque courbe de couleur représente les données d’une année entière, chaque point correspondant à un jour donné, le premier janvier tout à gauche et le 31 décembre tout à droite, en ordonnée le nombre de morts par jour.

Il se dégage de ce graphique trois éléments majeurs :

  • la première anomalie qui saute aux yeux est un grand pic rouge au centre, ce n’est pas du tout une erreur, il correspond à… la canicule d’août 2003,
  • de manière plus générale, on constate que la mortalité est moins forte une fois le printemps arrivé et redémarre doucement en septembre, donnant aux courbes cet aspect de cloche inversée, ce qui montre que l’hiver est généralement plus mortel que l’été,
  • le dernier point est qu’on observe que certains hivers sont particulièrement plus meurtriers que d’autres, leurs courbes se détachent clairement au-dessus de celles des autres années.

La seule crise visible des années 2000-2019

Il se dégage donc des 20 dernières années une seule grande crise en terme de mortalité. On en a pas mal parlé à l’époque, mais c’est une période qui est aujourd’hui relativement oubliée.

Incontestablement, à l’échelle du pays, c’est la catastrophe sanitaire la plus grave et la plus fulgurante qui ait eu lieu dans les 20 dernières années. Lorsqu’on fait le total, cela fait plus de 17.000 morts de plus que la moyenne habituelle pour la saison, en l’espace de 2 semaines. Plus de 58.000 morts au mois d’août 2003 en France, contre environ 41.000 morts en 2002 et 2004.

Détaillons par tranches d’âges

Regardons l’impact de la canicule en fonction de l’âge en isolant seulement l’année 2003 :

Chaque courbe est ici le nombre de morts par tranche d’âge de 10 ans

Sans surprise, ce sont les plus de 70 ans qui ont le plus souffert. Ils correspondent aux trois courbes qui sont largement au-dessus des autres. Les 50-70 ans (les deux courbes en rose et gris) ne sont pas totalement épargnés non plus.

En revanche, les moins de 50 ans n’ont quasiment pas souffert en terme de mortalité. Ils apparaissent en bas, dans la courbe violette et celles en-dessous d’elle.

Détaillons par Département

On peut voir très rapidement des différences notables de l’impact de la canicule dans les différentes régions. Les graphiques suivants sont pondérés par la population totale. Par ailleurs, chaque point est une moyenne des dix jours précédents pour lisser les courbes. En effet, les variations sont trop grandes d’un jour à l’autre lorsqu’on regarde un département seul.

Les régions centrales et grandes villes

Beaucoup de grandes villes, Paris, Lyon, Bordeaux, et certaines régions ont été très fortement impactées par la canicule :

Les régions épargnées

Dans d’autres régions, en revanche, le pic est parfois à peine visible :

  • certaines régions épargnées comme le Cantal ou l’Aveyron, probablement favorisées par la campagne où la chaleur se fait moins sentir que dans les grandes villes,
  • les régions montagneuses où la chaleur s’est évidemment fait beaucoup moins sentir et où le pic d’août est beaucoup moins prononcé qu’ailleurs,
  • certains départements de Bretagne, grâce à son climat océanique.

On pourrait également comparer en terme de pyramide des âges dans chaque département. Les analyses possibles ne manquent pas…

La carte

Et, bien sûr, la carte que tout le monde attend. Plus c’est rouge, plus le taux de mortalité dépasse largement celui de 2002 et 2004 sur le mois d’août.

Différence de mortalité entre 2003 et les années adjacentes (2002 et 2004) – plus c’est rouge, plus la différence est importante (et donc la mortalité qu’on peut imputer à la canicule de 2003)

On voit que la Lozère (en blanc) a en fait moins de morts en août 2003 qu’en 2002 et 2004. Anomalie qui est facilement explicable : c’est le département le moins peuplé de France. Il n’y a en moyenne que deux décès par jour dans ce département en été. Il n’y a donc pas suffisamment de données pour qu’elles soient statistiquement pertinentes. Peut-être qu’il y a eu des morts de la chaleur dans ce département cette année-là, peut-être pas, difficile à dire avec les chiffres seuls.

Impact à court terme

L’impact à court terme de cette augmentation soudaine des décès en 2003 est assez intéressant à analyser.

Concentrons notre regard sur les courbes de mortalité de 2002 à 2005.

Courbes lissée du nombre de morts pour 1 million d’habitants

Pour commencer, on voit que la canicule s’est en fait déroulée en deux temps :

  • une première secousse mi juillet  qui a déjà fait son lot de victimes, en épuisant déjà probablement beaucoup d’autres personnes déjà fragiles,
  • une accalmie fin juillet qui semble laisser du répit,
  • finalement la grande vague principale en août.

Au-delà du pic d’août 2003, on voit que la fin de la même année est aussi plus mortelle que les autres (la courbe rouge dépasse très clairement les autres courbes à droite). Ce n’est plus là l’aspect canicule, évidemment, mais autre chose. La réponse se trouve sur le réseau sentinelle, qui indique une forte grippe ainsi qu’une forte incidence de diarrhée hivernale cette année-là. On peut dire que l’année 2003 a fait des ravages parmi les plus fragiles.

Or, on s’aperçoit que la courbe de 2004 (en vert) est sensiblement en-dessous de toutes les autres. Ce n’est pas une grosse surprise : les personnes les plus vulnérables n’ont pas passé le cap de 2003, autant de décès en moins en 2004 !

Vérification sur toute la période

Regardons le nombre de morts par an (pour 1 million d’habitants, pour prendre en compte l’augmentation de la population) :

L’année 2003 a clairement dépassé les précédentes, puis les années suivantes ont été plus « calmes ». Pour revenir une dizaine d’années plus tard au même niveau que 2003.

On voit bien là l’effet d’une épidémie ou d’une canicule qui balaye malheureusement les plus fragiles : ces épisodes ôtent quelques années de vie supplémentaires à ceux qui sont les plus faibles physiquement, mais qui n’auraient probablement pas vécu très longtemps de toute façon.

Grippes

Analyse

Lorsqu’on regarde le tout premier graphique de cet article, on peut voir que certains hivers « dépassent » les autres en terme de mortalité, très souvent dus à des grippes saisonnières. Ces épisodes peuvent faire 20.000 morts de plus que la normale dans l’année, étalé sur un ou deux mois, mais guère plus. Sur une semaine, on peut même exceptionnellement observer un quart de mortalité de plus qu’une « bonne année ».

En 2005 survient un épisode grippal particulièrement violent, comme le signale encore le réseau sentinelle. On le voit parfaitement dépasser toutes les autres courbes entre février et début mars dans la dernière courbe ci-dessus (le dos d’âne bleu à gauche). Malgré tout, l’impact sur la saison entière reste assez mineur par rapport à d’autres grippes plus récentes. Peut-être dû au choc de 2003, qui a fait que les personnes les plus fragiles n’étaient plus là en 2005.

Visualisation

Si on regarde la mortalité en hiver, de début novembre à fin mars, on voit qu’il y a une sur-mortalité certaines années dues en particulier aux épisodes gripaux. Malgré tout, cela ne fait pas plus de 10% de changement sur la saison, même pour les années les plus violentes que sont les hivers 2016-2017 et 2017-2018. On peut voir cela sur le graphe suivant, qui donne le nombre de morts par saison hivernale pour 1 million d’habitants.

Ce graphique peut faire peur, à cause du démarrage de l’axe des ordonnées à 6800. Si on regarde l’impact sur la mortalité totale avec un axe commençant à 0, l’effet est totalement différent. On peut alors voir l’impact de la grippe sur l’ensemble de la mortalité. Il n’est pas totalement négligeable, mais il reste faible.

Attention donc lorsqu’on regarde un graphique de prendre tout en compte, y compris les axes.

On peut en tout cas remarquer que la mortalité à l’échelle de la France est très stable sur les 20 dernières années en hiver, une véritable horloge !

L’impact psychologique

Il y a un phénomène que l’on sous-estime trop souvent : l’impact psychologique des décès sur les survivants.

Les morts naturelles prévues

Une personne âgée qui meurt avec des arrières-petits-enfants est toujours un événement triste pour les survivants. Malgré tout, la tristesse est souvent atténuée par le fait que cette personne « a eu une belle vie ». On se dit aussi que, « à son âge », l’inévitable allait arriver un jour ou l’autre, dans le court terme. Il y a eu un temps de « préparation » émotionnelle pour l’entourage, même si évidemment on n’est jamais réellement préparé au décès d’un proche.

Les accidents

Un accident soudain d’une personne dont on n’attendait pas qu’elle nous quitterait sous peu est totalement différent émotionnellement pour l’entourage. Et ce pour une multitude de raisons :

  • évidemment, c’est un choc émotionnel beaucoup plus fort puisque totalement inattendu, sans aucun avertissement préalable,
  • cela laisse sur le carreau des proches qui pensaient encore vivre de longues années voire décennies avec cette personne,
  • une mort accidentelle laisse un vide de responsabilités qui est à combler, tant psychologique que matériel, par exemple dans le cas du décès d’un parent laissant l’autre parent seul avec des enfants, ce qui en plus de la détresse psychologique liée au décès provoque des incertitudes matérielles qui renforcent encore l’angoisse,
  • il est souvent impossible de « faire ses adieux » lors d’une mort soudaine, ce qui rend le deuil encore plus difficile,
  • etc.

Une mort « inattendue » est donc beaucoup plus difficile à supporter. C’est le cas d’accidents, mais aussi de certaines maladies ou attaques foudroyantes.

De nombreux accidents visibles dans les données

En arpentant les données et les graphes obtenus grâce au site du Gouvernement, on retrouve les stigmates d’accidents survenus non seulement en France, mais aussi à l’étranger. Ainsi, le graphique de la Thaïlande est le suivant :

Une petite idée sur le grand pic bleu à droite ? Le tsunami de fin 2004. Quand au pic vert de septembre 2007, c’est le crash de Phuket. Et le petit pic noir à gauche, un accident de bus en avril 2000.

On y retrouve d’autres catastrophes comme l’accident d’avion de Charm el-Cheikh en Égypte au début de 2004. Et aussi sur le sol français loin de la métropole, bagay la, comme il est appelé localement, le tremblement de terre à Haïti en 2011. Autant d’accidents qui laissent des traces dans les chiffres, mais pas toujours autant que dans les mémoires.

Un exemple : le Bataclan (13 novembre 2015)

Dans le cas de phénomènes qui impactent plus que l’entourage proche, comme les attentats, l’impact psychologique sur une population peut être très violent. Ce fut le cas par exemple lors de l’attaque terroriste du Bataclan le 13 novembre 2015.

Si on ne regarde que les chiffres purs de la mortalité, cet événement n’a même pas laissé la moindre trace dans la mortalité à l’échelle de la France :

Dans le même temps, on voit bien que l’activité de la grippe de 2016 (au-dessus du seuil épidémique selon les bulletins de l’époque) fait une très nette différence par rapport aux années précédentes (en rose à droite sur le graphique), mais cela n’a pas fait la une des médias, même s’ils en ont un peu parlé à l’époque.

En revanche, en terme d’impact psychologique sur la population, si personne en 2020 ne se rappelle de la grippe de 2016, tout le monde se rappelle l’attaque du Bataclan. C’est là que l’impact d’un événement inattendu fait une énorme différence de ressenti, qui n’est pas forcément visible dans les chiffres.

Toutefois, si on zoome sur le département 75 (Paris), l’événement est parfaitement visible :

En fait, il est même encore plus visible en zoomant sur les 20-50 ans comparé aux plus de 60 ans où il ne l’est pas, ce qui est logique, vu l’âge moyen de ceux qui assistaient au concert.

Les chiffres sont donc à prendre avec précaution, ils ne reflètent pas toujours la réalité en fonction de ce qu’on regarde et il s’agit de sélectionner avec prudence ceux qu’on veut mettre en avant.

Conclusion

Dans quelques mois, nous aurons les données consolidées détaillées des décès de mars et avril 2020. On pourra alors discuter de l’impact global en France et en fonction des régions de ces premiers mois d’épidémie. Il faudra à ce moment-là ne pas oublier d’ajouter les morts en Allemagne, Luxembourg, Suisse et Autriche, qui ont été envoyés dans ces pays en soins intensifs. Il ne faudra pas non plus oublier que, au-delà des morts, cet épisode aura traumatisé beaucoup de gens :

  • restés confinés chez eux hantés par de la claustrophobie, stressés financièrement,
  • certains laissés à eux-mêmes avec la maladie à étouffer pendant des jours,
  • passages aux urgences,
  • guéris avec des séquelles pulmonaires graves…

Sans oublier un lot de morts non négligeable de personnes qui étaient apparemment en parfaite santé avant de contracter le Covid-19 et dont le décès a été un choc pour leur entourage, en tout point semblables à des accidents soudains. Ces dommages sont irréversibles et durables dans la population. Chaque « + 1 » est un être vivant avec un impact sur ses proches.

En attendant…

La question demeure : à quel point le Covid-19 va-t-il réussir à infléchir la courbe des décès (réponse ici), et ce malgré le confinement ? 40 % de plus ? 50 % ? Quid de l’impact négatif et positif du confinement ?

Négatif pour certains, surtout en terme psychologique mais aussi financier, ce qui a également un effet anxiogène.

Mais positif aussi car moins de stress des transports, moins d’accidents sur la voie publique et… mois de pollution, ce qui dans les grandes villes devrait avoir un effet très positif en terme de réduction de la mortalité. En effet, la pollution ferait environ 50.000 morts par an en France. C’est bien plus que le Covid-19 pour l’instant…

Et pendant ce temps, la nature reprend ses droits, et les apiculteurs en détresse (dont on n’entend jamais parler dans les médias malgré la crise sans précédent qu’ils traversent depuis 20 ans) connaissent un nouveau souffle.